pain d'alouette
par lefero le, 07/01/2008Fallait pas parler , pas faire de bruit , ch’pére y dort , y’est mat , y’a fait s’nuit (je traduis , papa dort , il est fatigué, il a travaillé cette nuit )
Combien de fois ai-je entendu ces paroles étant enfant ? , des milliers de fois , au point qu’aujourd’hui encore je veille à ne pas faire de bruit dans la maison , c’est idiot mais c’est tellement ancré dans ma mémoire.
20 ans à partir tous les soirs risquer sa peau pour en extraire le charbon , 20 ans de nuit et essayer de dormir le jour , aujourd’hui il n’est plus là , emporté par une crise cardiaque à 54 ans , le corps usé par ces descentes dans la « cage ».
20 ans à guetter son retour , après la siréne , normalement il devait être là au bout de 30 minutes , tout retard de quelques minutes provoquait une crise d’angoisse de maman , et là encore tant de temps après elle a toujours cette peur quand un proche est en retard d’un voyage ou d’un simple déplacement.
Il a eu des blessures heureusement jamais trop grave , les mains souvent , il n’avait plus un seul doigt intact , les yeux , il a eu l’œil droit sectionné , mais la magie d’un chirurgien l’a réparé, le dos couvert de tatouages bizarroïdes qui en réalité étaient des plaies remplies de poussière de charbon qui se sont refermées.
Et .. l’objet de ce petit mot , pour expliquer aux jeunes ce qu’était le pain d’alouette .
Il partait bien sur avec le casse croûte , souvent composé de sandwiches divers et surtout énergétiques car ramper dans des galeries qui faisaient parfois bien moins d’un mètre c’est usant , surtout quand il fait 40 degrés et que l’ambiance est saturée d’eau, usant quand comme lui on est grand pour sa génération .
Alors ces sandwiches soigneusement enveloppés dans un cellophane était la plupart du temps des « tartines » de chez nous bien beurrées et recouvertes d’une grosse couche de sucre.
Et le pain d’alouette ? c’est quoi me direz vous ? et bien tout simplement , il arrivait très fréquemment (je le soupçonne même de le faire exprès)que ces grosses tartines sucrées revenaient après un périple d’environ 1000 m sous terre , et alors elles prenaient une saveur inoubliable , le dessert des dessert , du « pain d’alouette » , du pain qui revenait des entrailles de la terre et papa qui s’émerveillait de nous voir nous précipiter sur son sac pour découvrir le trésor .
Voilà , c’était juste un petit souvenir de mon enfance , j’en ai plein d’autres encore que je vous raconterait peut-être un jour avant que tout disparaisse .
j'espère que vous nous concocterez d'autres souvenirs de ce genre
voyez , il n y a pas de "petites" histoires, j ai pour ma part, été très touché par votre sujet, et je l ai relu trois fois à la suite
On sent que c'est écrit avec le coeur et c'est un ancien travailleur de la mine qui vous le dit.
Merci
le sujet que je viens de lire m'a profondément touché, de part le réalisme de l'écrit qui évoque le dur labeur du mineur, ainsi que la vie journalière des épouses.
En lisant cet article, ma pensée est allée systématiquement vers mon père en me rémémorant d'agréables et douloureux souvenirs.
C'est un hommage qui vient d'être rendu du fond du coeur.
Kiki de Liévin.