Bruay en Artois, cité minière
par PAILLART André le, 26/04/2009Il est toujours difficile pour un étranger de comprendre la mentalité d'une ville minière.
Au fil des ans, il se crée entre les habitants des liens particuliers qu'on rencontre rarement aussi développés ailleurs.
On peut appeler cela la solidarité ou le fatalisme sans approcher la vérité profonde mûrie de génération en génération. Cet héritage de courage et de solidarité est, probablement, la résultante du devenir des cités minières qui ont été contraintes à une nouvelle mutation.
Bruay en Artois (devenue aujourd'hui, Bruay Labuissière), à quelques kilomètres de Béthune sur la route du littoral ne figurait même pas sur la carte du calendrier des P.T.T. avant son accession au rang de chef lieu de canton.
Curieuse promotion intervenant au moment où l'activité charbonnière mettait en péril l'avenir de la ville.
Dans cette cité où vivaient près de 30 000 habitants dans les années 60, le poids de la mine est resté considérable.
Il n'y a pas si longtemps, plus des quatre cinquièmes des travailleurs étaient des mineurs.
En dehors de l'extraction, il n'y avait guère d'industries.
Du même coup, le patrimoine immobilier des Houillères en bâtiments industriels, terrains et maisons couvrait la plus grande partie du territoire communal: 68 % des habitations appartenaient aux H.B.N.P.C.
C'est d'ailleurs, à Bruay qu'a été entreprise la première opération de rénovation pilote à la cité des Aviateurs, où j'ai passé une bonne part de ma jeunesse...
Pour comprendre la situation d'aujourd'hui, il est nécessaire de revenir aux origines.
Aux alentours de 1850, le père de l'arrière grand-père des gosses des écoles vivait à cette époque; Bruay était un village de 700 habitants traversé par la route nationale reliant Bruxelles et Lille à Abbeville, plus encombrée par les chariots de ferme que par les calèches ou les transports à longue distance.
Un village coulant des jours anonymes sur les rives de la Lawe, rivière poissonneuse et limpide.
On n'y parlait guère de nos ancêtres les Gaulois qui avaient laissé sur le territoire de Labuissière les vestiges d'un village de potiers retrouvés il y a quelques décennies lors de la construction d'un centre commercial.
Il a fallu la découverte du charbon dans le Pas de Calais pour que tout change. D'autant plus qu'au même moment les méthodes de l'agriculture évoluaient et permettaient de "libérer" une partie de la main d'oeuvre occupée aux travaux des champs.
La première gaillette a été remontée en 1855.
Trois ans plus tard, la fosse N°1 produisait 2 125 tonnes dans l'année. Elle devait fermer ses portes le 24 mars 1930.
Pour creuser les puits et remonter le charbon, une main d'oeuvre abondante était nécessaire.
Comme il fallait éviter de longs trajets aux mineurs, des maisons furent construites à proximité de leurs lieux de travail.
Ainsi surgirent les premiers corons devenus centenaires.
Est-il besoin d'ajouter que les normes d'habitat n'étaient pas celles exigées de nos jours.
Encore que les mineurs trouvaient plus de confort dans ces maisons que dans celles mises à la disposition des ouvriers agricoles.
Par la vertu du charbon, Bruay est ainsi devenue une ville qui groupait à la fin des années 70 près de 30 000 habitants, mais a connu, comme tout l'ouest du bassin minier des problèmes de conversion.
Le Groupe Minier de Bruay occupait plus de 11 000 personnes en 1960. Le dernier siège, le N° 6 d'Haillicourt en employait encore quelques centaines en 1979, date de cessation de l'extraction du charbon de la
Compagnie des Mines de Bruay.
Des industries nouvelles ont apporté des emplois compensant
partiellement les pertes dues à l'épuisement du gisement.
L'avenir n'est pas encore assuré mais on frémit à la pensée de ce qui serait arrivé si on avait laissé se poursuivre le destin sans tenter de l'infléchir...
Bruay serait devenue une ville fantôme comme on en voit dans l'ouest américain après épuisement d'un filon aurifère....
En photo:
Ce cliché très ancien, nous montre la fosse N°1 de Bruay en Artois, en activité au début des années 1920.
On distingue en arrière plan, le château du directeur des mines de la Compagnie des Mines de Bruay, Monsieur Elby, devenu plus tard la maternité de Bruay, ainsi que les Grands Bureaux de la même Compagnie au sommet de la route Nationale.
En avant plan, les corons visibles ont été abattus depuis des décennies.


